Retour page d'accueil Contacter la rédaction P 24.fr

Le T.A.B.D.T.
 


Une dénomination barbare pour un acte médical qui ne l'était pas moins ....

Après la fin de la période probatoire pendant laquelle, le nouveau venu et l'armée, pouvaient, l'un ou l'autre, mettre fin à leur collaboration, les choses devenaient sérieuses avec notamment, la vaccination de toutes ces nouvelles recrues.
Imaginez: 270 arpètes à vacciner contre la diphtérie, le tétanos, et autres potentielles maladies.
Il fallait de la méthode:
A l'intérieur de l'infirmerie des bancs étaient alignés bout à bout pour pouvoir accueillir une dizaine de gars assis côte à côte.
Nous entrions donc dans cette salle, par dix environ, torse nu, et l'on était tout de suite enveloppés d'une odeur bizarre, à jamais gravée dans nos mémoires, mélange d'iode et de Viandox, et l'on s'asseyait les tripes serrées et le coeur battant.
Un premier infirmier, muni d'un badigeon de teinture d'iode, désinfectait une large, très large, zone située entre la base du cou et l'épaule droite de chacun des dix patients alignés.
Voilà la source de l'odeur d'iode identifiée.
Il était suivi d'un deuxième opérateur armé d'aiguilles de fort calibre qu'il plantait avec fermeté dans nos tendres chairs.
Regarder en biais et voir tous ces dos et leurs aiguilles fichées bien profond commençait à faire naître un certain malaise même chez les plus courageux.
Un troisième bourreau suivait.
Il tenait entre ses mains une imposante seringue dont la capacité en sérum anti-tout pouvait alimenter toutes les aiguilles fichées dans nos dos, peut-être plus, et il injectait donc à chacun une dose de ce liquide responsable tant de l'odeur de Viandox, d'une brûlure intense, ainsi que d'une légère boursouflure que l'on voyait saillir de l'épaule de ses voisins de souffrance.
Un dernier persécuteur suivait, enlevait l'aiguille, et passait énergiquement un tampon alcoolisé sur la boule de douleur.
On se relevait, certains au bord de la nausée, pour rejoindre nos chambres, longue cohorte de jeunes victimes à la démarche hésitante et qui s'affalaient sur leur lit en commantant et comparant leurs réactions à l'agression antivirale.
Bien sûr, ceci s'accompagnait d'un régime diététique particulier qui ne contribuait pas à la remontée du moral.
Seuls avantages, une courte exemption de cours et de remarquables batailles de polochons, vivement recommandées par le service médical, pour favoriser la circulation sanguine et donc accélérer la diffusion du produit, et surtout éviter que l'on s'apitoie sur son propre sort.
Soixante ans sont passés et je n'apprécie toujours pas l'odeur de la teinture d'iode ni celle du Viandox, . . . . encore moins mélangées.

Michel Deriaz
Retour aux articles